« Mesurettes », « enfumage », « grosse blague »…
Le projet de décret, présenté ce mercredi au Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, permettant de rendre éligibles au régime indemnitaire en déploiement dans la fonction publique le RIFSEEP
La prime d’intéressement à la performance collective de services, quant à elle, doit passer de 300 à 600 euros.
Il était temps ! Il n’existera très bientôt plus de frein réglementaire au déploiement du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel (RIFSEEP) dans la territoriale. Comme l’avait annoncé le secrétaire d’Etat en charge de la fonction publique lors du dernier rendez-vous salarial, les collectivités territoriales n’auront plus besoin d’attendre que certains corps de l’Etat y
passent pour en faire bénéficier les filières jusqu’ici en mal de textes d’application.
L’annexe 1 au projet de décret présenté ce mercredi 10 juillet au Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT), rappelle les « cadres d’emploi réels » de l’État auxquels devront se référer ceux de la territoriale, lorsque les textes manquants seront publiés. Mais dans cette attente, l’annexe 2 détaille les « cadres d’emploi provisoires » (voir les tableaux détaillés en bas d’article).
Ainsi, pour les ingénieurs territoriaux, le corps équivalent dans la FPE est, provisoirement, celui des ingénieurs des services techniques du ministère de l’Intérieur.
Pour les techniciens, le corps de référence temporaire est celui de contrôleur des services techniques du ministère de l’Intérieur. Les directeurs d’établissements territoriaux d’enseignement artistique sont quant à eux à rapprocher des attachés d’administration de l’État. Le gouvernement s’est montré favorable, dans son principe, à
l’amendement, prévoyant l’instauration d’une clause n’ouvrant la possibilité aux collectivités de re-délibérer sur le corps homologue « historique » que lorsque le plafond indemnitaire de ce dernier est plus favorable que celui prévu pour le corps « provisoire ».
« Tout ça pour ça… »
Si ce projet de texte était très attendu, les syndicats de la FPT lui ont donné un avis unanimement défavorable. Les employeurs étaient plus partagés : huit « pour », quatre « contre ». Un accueil froid impliquant un deuxième passage au Conseil sup’, le 25 septembre prochain. « Tout ça pour ça pouvait-on penser à la lecture du projet », confie Eric Coneim (Unsa territoriaux). « Il est proposé le strict minimum. En ce cas, pourquoi ne pas l’avoir mis plus tôt sur la table ? Les territoriaux ont perdu plus de cinq ans ! »
Et pourquoi cet empressement du gouvernement à le présenter avant la trêve estivale, alors que débuteront à l’automne les discussions sur la transformation en « bonus universel » de l’un des composants du Rifseep, le complément indemnitaire annuel (CIA), s’interrogent plusieurs syndicats. Notamment, le plafond ne serait plus fixé en fonction du corps d’appartenance mais selon une règle transversale s’appliquant à tous les
agents.
Pas de délai de mise en oeuvre prévu
« En plus, il n’est pas prévu de délai de mise en oeuvre du Rifseep ! », s’agace Pascal Kessler (FA-FP). Autre point qui fâche, ces quelques lignes du rapport de présentation du projet de décret : « Le passage au Rifseep
n’entraîne pas, par principe, de charges supplémentaires. En effet, le coût pour les collectivités territoriales dépend très étroitement de la politique de ressources humaines mise en oeuvre au sein de chaque collectivité. »
Il n’y aura pas d’évolution positive pour les agents, la crainte que certaines collectivités [ne prennent pas] de délibération et [ne versent pas] de régime indemnitaire.
Prime d’intéressement à la performance collective à 600 euros
Le CSFPT avait aussi, en matière de rémunération, à examiner deux projets de décret modifiant les modalités et le plafond de la prime d’intéressement à la performance collective de services (PIPCS) dans les collectivités, mise en place en 2010.
Car le gouvernement avait identifié plusieurs obstacles à son déploiement dans la FPT, comme dans la FPE : le « développement parallèle d’outils de reconnaissance du mérite individuel », les « rigidités dans les conditions de sa mise en oeuvre » ou encore « le caractère peu incitatif des montants attribués », énumère le rapport de présentation du projet de décret sur les nouvelles modalités.
Afin de favoriser l’attractivité de ce dispositif, le gouvernement entend relever le plafond annuel de la PIPCS de 300 à 600 euros…et de supprimer l’avis des comités techniques. Une aberration pour la formation spécialisée du CSFPT qui a examiné le texte la semaine passée et demandait son rétablissement. Dans un souci d’équité avec le secteur privé, il est demandé que cette prime soit défiscalisée et exonérée de charges
sociales, son plafond porté à 1000 euros et qu’elle ne soit non pas annuelle, mais semestrielle.
Le gouvernement n’a pas consenti à ces aménagements. L’ensemble des amendements des OS a été rejeté conduisant ces dernières à donner, à la quasi-unanimité, un avis défavorable au projet de décret. Les employeurs s’y sont pour leur part montrés favorables.
Publié le 10/07/2019 • Par Claire Boulland •