« Réforme des retraites »
1 – Que prévoit la future réforme
La réunion du 12 novembre 2019 qui s’est déroulée en bilatérale en présence de Madame Sophie LEBRET, Conseillère Spéciale auprès du Haut-commissariat aux Retraites, de Madame Marine DARNAULT, Directrice Adjointe du Cabinet du Secrétaire d’Etat auprès du Ministre de l’Action et des comptes publics, des représentants CFTC des 3 versants de la Fonction Publique, en donne les contours au niveau de la Fonction Publique :
Une réforme systémique qui a pour but de fusionner les 42 régimes actuels, fruit d’une longue histoire qui a commencé au 17ème siècle avec la création en 1673 par Colbert de l’Établissement national des invalides de la marine, 1er régime de retraite.
Pour le gouvernement, il s’agit d’apporter plus de justice au niveau des différents régimes de retraite afin que pour un euro cotisé, les droits soient les mêmes pour tous les futurs pensionnés quel que soit leur secteur d’activité.
La cotisation unique sur le salaire brut sera de 28,12% (60% à la charge de l’employeur et 40% à la charge du salarié).
Un âge légal d’ouverture du droit à pension restant à 62 ans, avec toutefois l’ajout d’un âge pivot à 64 ans. Tout départ avant cet âge pivot pour une retraite normale sera assorti d’un malus, en gros une diminution de la pension.
Pour la FPT, la catégorie active sera maintenue pour les agents de la police, les sapeurs-pompiers, (égoutiers ?).
Les départs en retraite pour invalidité n’existeront plus en tant que tels.
Dans la Fonction Publique, l’assiette de cotisations des retraites intégrera les primes.
Le calcul pour les pensions de reversion et les conditions d’attribution seront modifiés pour les retraites prises à compter de la mise en place de la nouvelle réforme.
L’Etablissement publique chargé de la « retraite additionnelle de la FP » sera supprimé
Les réunions de concertations continueront jusqu’en décembre, voire janvier 2020.
Pour cela, 3 séquences de travail sont prévues et porteront sur :
- Les primes
- Les contractuels
- La pénibilité
2 – Ce qu’on peut en penser
Sur la forme :
Plus de 3 siècles d’histoire ne peuvent s’effacer en peu de temps, d’autant que depuis 1993 où le gouvernement Balladur a porté de 37,50 ans à 40 ans la durée de cotisations retraite du privé, les réformes se sont succédées sans apporter la solution à la principale question posée en 1991 par le livre blanc de Michel Rocard : « Comment faire face aux conséquences du vieillissement de la population sur l’équilibre du système de retraite ? »
Aujourd’hui, toutes les pistes envisagées dans ce livre blanc ont été mises en oeuvre
- allongement de la durée de cotisations
- allongement de la durée de référence pour le calcul des pensions du privé (passage des 10 meilleures années aux 25 meilleures)
- augmentation de l’âge d’ouverture des droits, indexation des pensions sur les prix
- création de mécanismes de retraite supplémentaire par capitalisation dans le privé.
Aujourd’hui, n’aurait-il pas été préférable de nous expliquer d’abord pourquoi les réformes se succèdent sans résultat alors que les pensions ne cessent de baisser ?
- Qu’apportera de plus un système par points ?
- Comment transformer en points des cotisations déjà versées ?
- Comment prendre en compte pour les fonctionnaires des primes non intégrées dans les bases de cotisation ? ……..
Sur le fond :
Taux de cotisations
Actuellement, l’employeur territorial cotise à 30,65%. Les cotisations employeurs seront demain de 16,87%. Comme réponse à cette diminution, la future réforme avance que l’employeur public cotise aujourd’hui à un taux plus élevé afin de compenser l’incidence de la démographie, pour la solidarité et les droits spécifiques.
Sachant que le régime universel restera un régime par répartition comme les anciens régimes de base, la réponse soulève des inquiétudes puisque la nouvelle réforme est sensée apporter une réponse au déséquilibre des caisses. Avec des taux de cotisation employeur revu à la baisse, comment peut-on résoudre ce problème du déséquilibre ?
Côté âge de départ
Aujourd’hui avec tous ses trimestres à l’âge de 62 ans, un agent qui décide de partir à la retraite ne subira aucun malus sur le montant de sa retraite. S’il décide de travailler jusqu’à 64 ans, il aura un bonus de 10%.
Avec la future réforme, bien qu’ayant tous ses trimestres, s’il décide de partir
- à 62 ans, il aura un malus de 10 %
- à 63 ans, un malus de 5 %
- à 64 ans pas d’incidence sur le montant de sa pension
Pour percevoir un bonus de 10 %, il devra travailler jusqu’à 66 ans.
Pour le gouvernement, cet âge pivot permettra aux personnes ayant peu travaillé de partir à 64 ans sans malus. Ce qui leur évitera d’attendre 67 ans comme aujourd’hui.
La pénalité subie par ceux qui ont tous leurs trimestres à 62 ans ne semble pas poser de problème ! ! !
Côté retraite pour invalidité
C’est la notion de pénibilité qui va s’appliquer. Comment et avec quel effet ? Autant de questions qui n’ont pas de réponses, d’autant que la pénibilité qui devrait être la règle dans le privé n’a pas encore trouvé de solutions auprès des employeurs concernés.
Côté catégorie active
Aujourd’hui, des majorations de durée d’assurance sont appliquées lors du calcul des pensions. Dans un système par points, quelle règle, quel % sur la pension ? Autres questions qui restent sans réponse.
Côté intégration des primes dans la base de cotisation retraite
Dans les 3 Fonctions Publiques, il y a une disparité au niveau des primes. Dans la Fonction Publique Territoriale, c’est la libre administration des collectivités qui est la règle. Sans délibération, pas de prime. Par délibération, chaque collectivité applique ses propres règles. Quelle conséquence sur le calcul des pensions à carrière identique ? Il est facile d’imaginer que les agents qui auront davantage de primes percevront une meilleure pension (d’où une inégalité non seulement pendant la durée d’activité mais aussi pour la retraite !).
Côté droits familiaux
Ce volet fera l’objet de concertation avec les Confédérations syndicales.
5% de bonus par enfant à un seul des parents interpelle à plusieurs niveaux. Que deviennent les bonifications pour enfant, les majorations de durée d’assurance au titre des enfants, les cotisations vieillesse des parents au foyer versées par les caisses d’allocations familiales au titre des retraites pour certains parents ?
Côté pensions de réversion
Actuellement égale à 50% versée au conjoint sans condition d’âge et de revenu.
Demain, le conjoint survivant bénéficiera de 70% des pensions du couple. Comment ? Sous quelles conditions ? Encore d’autres questions qu’on peut se poser.
Côté paramètres de calcul
Il est prévu que 100 euros de cotisations retraite donneraient 10 points. Ces 10 points vaudront 5,5 euros de retraite annuelle.
Or le calcul des points s’effectue par rapport à la valeur d’achat du point. Comment évoluera cette valeur ? Comment évoluera la valeur de service du point qui permet de calculer la retraite ?
3 – Un constat
Pas encore de consensus entre l’exécutif et le Haut-Commissariat aux retraites, Delevoye. Un des exemples, la « clause du grand père » pour les régimes spéciaux, qui consiste à n’appliquer la réforme qu’aux nouveaux rentrants dans les régimes spéciaux.
Autre exemple, l’âge pivot….
Enfin un 3ème : l’ajout des durées des cotisations…..
Est-ce qu’à l’instar du privé, les fonctionnaires bénéficieront d’une prime de départ en retraite sous l’effet de l’harmonisation ?
4- Ce qu’il faut retenir sur le mode de calcul des deux principaux régimes de retraite
A / La retraite du régime général
Son calcul est basé sur les 25 meilleures années. Mais avant de déterminer ces 25 années, chaque base de cotisation vieillesse d’une année donnée est multipliée par un coefficient tenant compte de l’inflation.
Exemple : pour un départ en retraite en 2019 :
La base de cotisation déclarée en 1980 est multipliée par 2,509
La base de cotisation déclarée en 1990 est multipliée par 1,464
La base de cotisation déclarée en 2010 est multipliée par 1,089
La base de cotisation déclarée en 2015 est multipliée par 1,024……
Ces coefficients appliqués sur les bases de cotisation vieillesse sont revalorisés chaque début d’année.
Le montant de la retraite du régime général est égal à 50 % du salaire moyen annuel qui est le résultat de la somme des 25 meilleures années divisée par 25 dans le cas où le futur retraité a tous ses trimestres au régime général.
Si c’est tous régimes confondus que le futur retraité a tous ses trimestres, les 50 % seront au prorata du nombre de trimestre du régime général.
Exemple :
- l’agent a 100 trimestres au régime général.
- dans un autre régime il a 70 trimestres.
- Il est né en 1957.
Pour une retraite sans décote, il doit totaliser 166 trimestres.
Au niveau des 2 régimes, il a le nombre de trimestres permettant d’avoir une retraite sans décote. Au niveau du régime général, il aura 100/166ème du résultat des 50 % calculés.
À cette retraite de base s’ajoute la retraite complémentaire,
- AGIRC-ARRCO en cas d’activité salariée dans le privé,
- l’IRCANTEC lorsqu’il s’agit d’agent public (titulaire ou non titulaire)
Il arrive aussi que des retraités du secteur privé perçoivent en plus de la complémentaire, une retraite supplémentaire, car les régimes du privé sont construits en étages, avec juxtaposition : - d’un régime de base en annuités (le régime général),
- de régimes complémentaires en points (AGIRC-ARRCO), et
- éventuellement de régimes supplémentaires professionnels
dont les modalités peuvent être très variées.
En conclusion, le retraité du régime général qui a tous ses trimestres perçoit 50 % de la moyenne des 25 meilleures années plus la retraite complémentaire associée à laquelle peut s’ajouter une retraite supplémentaire pour certains.
Mais il n’est jamais fait référence ni de cette retraite complémentaire, ni de retraite supplémentaire lorsqu’on oppose privé et public.
B / La retraite du secteur public (exemple de la CNRACL)
Cette retraite est calculée par rapportà l’indice afférent au grade et à l’échelon détenu depuis au moins 6 mois.Elle peut atteindre 75 % de l’indice retenu pour le calcul,
Ce qui fait dire par tous les medias que la retraite des fonctionnaires est égale à 75 % de leur dernier traitement.
Or la base de calcul de cette retraite ne prend en compte que le traitement indiciaire et exclut toute autre rémunération, indemnité de résidence, supplément familial de traitement, régime indemnitaire…
De plus, les régimes de la fonction publique telle que la CNRACL sont des régimes intégrés, c’est à dire un régime unique qui est à la fois, régime de base et régime complémentaire.
Il n’est donc pas rare qu’à carrière identique, un salarié du privé perçoive plus de pension qu’un fonctionnaire.
Il serait plus juste de parler de taux de remplacement (pourcentage de la pension par rapport au dernier revenu réellement perçu) au niveau des retraites plutôt que de pourcentages, 50 et 75 qui ne sont pas comparables.
Par Awa BURLET, conseillère fédérale FFPT- CFTC