Le Premier Ministre Edouard Philippe vient de présenter sa nouvelle réforme des retraites.
Il n’échappe à personne qu’aujourd’hui plusieurs points sont de nature à faire baisser les futures pensions de retraite :
1 – L’âge possible de départ en retraite
L’âge de départ ne sera plus 62 ans mais 64 si vous souhaitez échapper à la décote ou malus, 10% de moins sur votre retraite si vous partez à 62 ans, 5% si vous partez à 63 ans et ceci même si vous avez tous vos trimestres à l’âge de 62 ans. Pour information, aujourd’hui, si à 62 ans vous avez tous vos trimestres tous régimes confondus vous partez à la retraite sans minoration. Si vous décidez de partir à 63 ans, vous avez une majoration de 5%, à 64 ans vous avez 10% de plus sur votre retraite. Demain, pour pouvoir bénéficier de 5% de majoration en ayant tous vos trimestres, il faudrait travailler jusqu’à 65 ans. Pour avoir 10%, il faudrait travailler jusqu’à 66 ans.
Ce dispositif sera effectif dès 2027.
2 – L’intégration des «primes» dans le calcul de la retraite
Le Premier Ministre n’a apporté aucune précision lors de son intervention. Mais l’analyse des documents de travail reçus permet d’entrevoir une baisse du pouvoir d’achat de tous les fonctionnaires. En effet, les fonctionnaires cotisent depuis 2005 à la RAFP (retraite additionnelle de la fonction publique) à un taux de cotisation de 5%. Or, le taux de cotisation des retraites suite à la réforme sera porté à 11,25%. Le taux de cotisation sur les « primes » sera aligné sur ce taux de 11,25% avec pour conséquence un montant de cotisation plus élevé et donc moins de salaire. L’alignement étant prévu sur une quinzaine d’années, donc pendant 15 ans, il faut s’attendre à une baisse des salaires, d’autant que la valeur du point d’indice est aujourd’hui gelée.
3 – Les droits familiaux
Aujourd’hui, les parents, le plus souvent les femmes peuvent bénéficier sous certaines conditions, soit de 8 trimestres de majoration de durée d’assurance par enfant, soit de 4 trimestres de bonification par enfant, soit de 2 trimestres. Lors de la liquidation de leur retraite, ces trimestres s’ajoutent aux trimestres de travail et permettent d’atteindre plus facilement le nombre de trimestres pour un calcul de retraite à taux plein, donc sans décote. Demain, ces trimestres ne seront plus attribués, mais remplacés par une majoration de 5% par enfant avec 2% supplémentaires à partir du 3ème enfant. Ces pourcentages sont attribués soit au père, soit à la mère. Or, aujourd’hui, pour les parents de 3 enfants, tous les régimes accordent 10% aux 2 parents, et non pas uniquement à l’un ou l’autre des 2 parents. A la CNRACL, ce taux peut être de 15% si vous avez 4 enfants, 20% si 5 enfants…
Pour le gouvernement, les 5% avantageraient les femmes. Mais s’agissant d’un pourcentage pouvant aller à l’un ou l’autre des parents, la logique serait de faire le choix du parent qui a la plus forte retraite. Il est fort à parier que le choix se porterait dans la plus grande majorité des cas sur le père et non sur la mère ! ! !
Or dans le discours du gouvernement, c’est de dire que les femmes en seront les grands bénéficiaires. Ce que le gouvernement ne dit pas, c’est que les trimestres qui sont actuellement accordés ne le seront plus et qu’il sera encore plus difficile à la femme d’atteindre le nombre de trimestres du taux plein.
4 – Les catégories actives
Dans les 3 fonctions publiques, ces catégories sont aujourd’hui connues. La majorité des agents de cette catégorie bénéficie d’une majoration de durée d’assurance d’1/5ème ou d’1/10ème. Ce qui permet de majorer le nombre de trimestres lors du calcul de leur retraite. Demain, on ne sait pas ce qui va remplacer ce dispositif. De plus, c’est la notion de pénibilité qui est mise en avant. Seules les fonctions régaliennes de l’Etat pourraient en bénéficier : policiers, gendarmes, sapeurs-pompiers, militaires. Dans la FPT, aucune précision sur le sort des agents de la propreté. Que deviennent-ils dans cette réforme ? Aucune précision. On peut craindre que cette catégorie d’agents en fasse les frais.
5 – Le maintien des droits acquis
Comment seront calculés ces droits ? Aucune précision. Seule annonce, la génération née en 2004 sera la 1ère à rentrer dans le système universel. La génération née avant 1975 ne sera pas concernée. Mais comme le dispositif de l’âge d’équilibre s’applique en 2027, on peut prévoir que des générations antérieures à 1975 seront concernées. Celle née à partir de 1975 sera à cheval sur 2 régimes. Les cotisations versées avant 2025 seront liquidées en fonction des régimes actuels. Les cotisations versées à partir de 2025 seront liquidées par rapport aux paramètres de la nouvelle réforme. Cette génération fera donc partie de ce qu’on appelle aujourd’hui les poly – pensionnés qui sont comme on le sait, les moins bien lotis lors du calcul de leur retraite.
6 – La valeur du point
Le gouvernement dit prendre l’engagement que la valeur du point ne baissera jamais. Mais si cette valeur reste gelée, pour le retraité ou pour le futur retraité, il s’agira d’une baisse, puisque l’inflation, même faible est tout de même là. Peut-on d’ailleurs faire confiance dans la parole de l’Etat, quand on sait que le dispositif PPCR (parcours professionnel carrière rémunération) a été bloqué malgré la parution des textes de sa mise en vigueur !!!
7 – Le minimum de retraite : 1000 euros
Pour en bénéficier, il faut avoir une carrière compète. Ce n’est donc pas tous les retraités qui percevront cette somme.
8 – Universel ?
La question se pose suite au discours du Premier ministre.
9 – Les zones d’ombre
De toute évidence, à l’exception des partis proches du gouvernement, personne n’a une vision claire de la future réforme.
Le langage gouvernemental reste encore flou et ne permet à personne d’avoir une idée de ce qu’elle percevra demain par rapport à aujourd’hui.
Un simulateur sera mis en place à partir du 18 décembre selon Agnès Buzyn. Dans ce contexte, l’inquiétude reste entière.
10 – Un seul commentaire : ce qui est dit pour tromper les gens
Madame Buzyn, lors de son débat a laissé entendre qu’un jeune qui effectue aujourd’hui 10 heures hebdomadaire de travail n’aura aucun trimestre de validé parce qu’il n’aura pas effectué 150 heures sur le trimestre.
Or, le nombre d’heures se calcule sur l’année civile qui comporte 52 semaines.
En reprenant l’exemple de ce jeune, le résultat de 10 heures par semaine sur 52 semaines sera de 520 heures.
Si on divise 520 (nombre d’heures effectué sur l’année) par 150 (nombre d’heures validant un trimestre), on obtient 3,466 qui seront arrondis à 3 trimestres et inscrits sur le relevé individuel de situation retraite de ce jeune. Donc une fausse information du gouvernement qui, pour faire passer sa réforme n’hésite pas à véhiculer des informations trompeuses.
11 – Qui croire ? Qui ne pas croire ?
Il est indispensable de prendre le temps d’analyser tout ce qui se dira sur cette réforme surtout par rapport aux agents de la FP.
12 – Un exemple
Hier avait lieu une bilatérale sur l’intégration des « primes ». Voici un aperçu de ce que dit le représentant du gouvernement :
« Toutefois Madame Lebret nous a informé que tout sera sujet à cotisation SFT IR HS … donc même ce qui n’est pas des primes, ils semblent vouloir faire un pack ».
Or aujourd’hui ces éléments peuvent être pris en compte dans la base (assiette de calcul de cotisation) de la RAFP qui servira de référence lors de l’intégration des « primes ».
Pour rappel, l’assiette de calcul de la cotisation de la RAFP est composée de tous les éléments de rémunération à l’exception du traitement indiciaire, de la NBI, des frais de déplacement.
13 – L’objectif de cette analyse
Permettre à chaque section ou syndicat de cerner la partie visible de cette réforme et de pouvoir en informer les agents de la fonction publique ainsi que les adhérents.