Le think tank Sens du service public vient de publier les résultats d’un sondage sur les agents du service public et le télétravail, avec le soutien de la MNT, de la Casden et de la Fondation Jean Jaurès. Résultats.
Le think tank Sens du service public a voulu approfondir objectivement les conséquences du télétravail auprès des agents publics et auprès des usagers à 360°. Car dans les administrations, le télétravail a connu un essor inédit à l’occasion de la crise sanitaire. Les réflexions et les expérimentations se sont poursuivies pour adapter les modes de travail et permettre à de nouvelles activités de travailler depuis chez soi. Au-delà de l’enthousiasme individuel bien légitime pour cette forme d’autonomie, Sens du service public a voulu connaître le ressenti des agents dans leur diversité, et ne pas se contenter du retour d’expérience des seuls cadres et consultants sur le sujet.
Télétravail : les principaux enseignements du sondage
Voici les principaux enseignements du sondage.
- Une pratique du télétravail encore minoritaire
Aujourd’hui, 6 agents de la fonction publique sur 10 n’ont pas la possibilité de télétravailler, principalement parce que leur poste ne le permet pas. Cependant, la moitié de ceux qui n’ont pas la possibilité de faire du télétravail souhaiteraient pouvoir en bénéficier. 79 % pensent que la semaine de quatre jours serait une bonne compensation pour ceux qui ne peuvent pas télétravailler. 25 % des agents de la fonction publique ayant la possibilité de faire du télétravail ne le font pas. Le principal frein est avant tout la préférence à venir sur site, loin devant le montant de l’indemnité de télétravail. Toutefois, les télétravailleurs se déclarent en majorité peu satisfaits par le montant de cette indemnité.
- Une satisfaction élevée au télétravail
L’enquête fait ressortir une satisfaction élevée dans la pratique du télétravail, plus forte auprès des femmes. Le principal avantage cité est la réduction du temps de transport. Néanmoins, le sentiment d’isolement est ressenti très fortement par les 25-34 ans, d’ailleurs ceux qui ont rencontré le plus de difficultés pour acheter des équipements informatiques spécifiques pour leur domicile.
- Le télétravail réduit l’absence au travail
La moitié des agents déclarent avoir télétravaillé plutôt que de poser une journée d’arrêt ou de congé enfant malade. Le télétravail améliore la performance mais dégrade la qualité du service public. Les agents perçoivent une amélioration de leur performance, davantage que les usagers. Les usagers se montrent aussi largement moins positifs que les agents sur l’impact du télétravail dans la qualité des relations. Agents et usagers s’accordent sur le fait que la dématérialisation tend à dégrader le service public rendu et que la dématérialisation ajoute de la pression sur les personnels en contact avec le public. La moitié des usagers qui ont contacté un service public par téléphone se disent insatisfaits de cet appel.
- Le télétravail peut avoir un impact environnemental positif
L’impact environnemental du télétravail est perçu comme positif tant par les agents que les usagers. Mais seulement un quart des agents estime que l’économie réalisée sur les déplacements compense totalement les dépenses énergétiques en télétravail. 45 % des agents seraient prêts à partager un bureau avec des collègues pour réduire les surfaces de bureaux inutilisées à cause du télétravail
Télétravail et fonctionnement de proximité
Pour Sens du service public, « l’essor du télétravail doit garantir les fonctionnements de proximité des services publics ». Usagers comme agents perçoivent le changement induit par le télétravailsur les services publics. Ils s’accordent sur son impact négatif sur la qualité du service rendu et surtout des relations. Dans une note de décembre 2022 relative au « déploiement du télétravail dans le service public : concilier proximité et aspirations sociétales », le Sens du service public rappelait que l’essor très rapide du télétravail dans les administrations publiques ne s’est pas toujours accompagné des réflexions organisationnelles garantissant la même qualité des services publics délivrés aux usagers.
Comme évoqué dans les 35 propositions d’accompagnement à la dématérialisation de Sens du service public, le think tank appelle à la plus grande vigilance sur ces transformations, afin de garantir l’égalité d’accès aux services publics. Le numérique ne devrait jamais être la seule modalité d’interaction entre les citoyens et leur administration, comme le rappelle régulièrement le Défenseur des droits. Une des pistes est de faire évoluer les organisations publiques en revalorisant les front-offices, les fonctions d’accueil, d’orientation, de conseil, sur tous les canaux, donc également physiquement, et en renforçant les back-offices.
Télétravail et inégalités
L’essor du télétravail peut être source d’inégalités entre agents publics. L’ensemble des métiers de la fonction publique ne permettent pas la pratique du télétravail. Ce sont trois agents de la fonction publique sur dix (29 %) qui pratiquent actuellement le télétravail. Six agents de la fonction publique sur dix n’ont aujourd’hui pas la possibilité de faire du télétravail bien que la moitié d’entre eux le souhaiteraient. Beaucoup d’agents publics se sentent « oubliés » ou « invisibles », leurs contraintes professionnelles les laissant en marge d’un grand mouvement de modernisation et de transformation qui touche, en réalité, essentiellement les « cols blancs », donc les agents travaillant dans des bureaux. Le think tank Sens du service public craint que le fait d’avoir des missions « de terrain » ou de « première ligne » soit, par contraste avec ces organisations, plus encore dévalorisé et défavorable à l’attractivité des métiers de proximité.
Qu’est-ce que le think tank Sens du service public ?
Sens du service public est un think tank qui regroupe une cinquantaine d’agents publics soucieux de moderniser l’administration pour rendre le meilleur service aux usagers sans laisser personne au bord de la route. Ses 15 fondateurs sont issus des trois versants de la fonction publique : territoriale, hospitalière et État. Le texte fondateur du think tank est le Manifeste “Le Service public une idée d’avenir” paru en janvier 2022.